Cut my life into pieces, this is my last resort

Dara & Merihem

◊ ◊ ◊

Assise, seule, dans le noir, les draps encore tâchés je me mettais à réfléchir.
Le Jewel qui avait passé une heure et demie avec moi avait bien fait son travail, tout avait été parfait, mais il avait eu une question, une simple et malheureuse question.
"C'est de toi que parlait le mot sur le mur des ragots ?"
C'était juste une question, mais cela avait suffit à me faire sortir de mes gonds.
Je regardais le sang encore frais sur la couverture de mon lit et les morceaux de verre ensanglanté, le tout se suivant comme une coursive menant au bas de ma couverture ou une scène particulière se dessinait, comme un meurtre dans une série télévisée d'enquête à la con, "ce soir dans Les Experts : Mystic Swan, un meurtre a été commis et l'inspecteur chargé de l'enquête arrive dans son beau costard Armani qu'un vrai flic pourrait pas se payer pour patauger dans le sang et la merde, lâcher une punchline pourrie et repartir." ma lampe de chevet était éclatée sur le sol comme un cadavre attendant le médecin légiste, couverte de sang. Dans un accès de rage, je l'avais saisie pour l'éclater au visage du pauvre Jewel.

Et maintenant je m'en voulais ...

Pas parce que Verascyel m'avait passé un savon ou parce que j'avais bousillé une lampe de chevet magnifique qui serait reprise sur ma paie, mais parce que j'avais beau jouer les dures, je n'arrivais plus à me contrôler. La princesse du MS pataugeait dans la merde. J'avais beau avoir dit à Francis que j'arrivais à tourner la page, je me sentais toujours malheureuse, comme si une main crochue et glacée m'avait déchirée le cœur de l'intérieur.

Comment avait-il pu me faire ça ?

La réponse était simple, après tout, n'avais-je pas moi-même écarté les cuisses pour un tas de partenaires potentiels ? Je n'avais techniquement pas le droit d'être jalouse.
Pourtant ...
Pourtant je l'étais et que je prétende le contraire, que Francis soit dans son bon droit parce que je l'avais fais avant lui ou parce que c'était moi qui avait mit fin à notre relation n'empêchait pas que je me sentais blessée tout au fond de moi-même.

Verascyel était arrivée quelques minutes après l'incident. Le Jewel risquait de perdre un œil, l'un des morceaux de verre s'était enfoncé dans sa cornée ou une connerie du genre et mon naturel pourtant si égoïste avait fini par se taire pour laisser place à un truc que je détestais ressentir : du remord ...
La directrice avait raison : il était temps que je me reprenne, mais que faire ? Avais-je eu raison finalement de renoncer à ce contrat avec Dior pour rester ici ? Je voyais bien que tout le monde voulait que je dégage.

Alors j'étais la, assise sur mon lit à boire une bouteille de Jack qui était restée dans mon mini frigo en pleurant silencieusement.
L'arrogance légendaire de l'auto proclamée "Princesse du MS" ayant tellement disparu que je n'avais pas pris soin de fermer la porte. J'entendais des commentaires, je sentais des regards, mais je m'en fichais.

Comment l'illustre Everleigh Huntington pouvait-elle dinir dans un tel état à cause d'un mec ?

Tout à coup j'entendais la porte se fermer et un individu rentrer dans ma chambre. Cela pouvait être un Jewel venu venger son pote ou un Guardian pour me dire que j'étais convoquée chez Verascyel, mais je ne levais même pas la tète.

— Qu'est ce que tu veux ?

demandais-je sans même savoir à qui j'étais en train de m'adresser ...

(c) oxymort

Cut my life into pieces, this is my last resort

Merihem & Dara

◊ ◊ ◊

J’ai vu Dara il n’y a pas si longtemps que ça. Je me souviens très bien de notre soirée en boîte juste après le défilé Dior. Ce jour-là, je me suis dit qu’on pourrait parler de Raphaël mais on a très peu parlé toutes les deux finalement. En soi, ce n’est pas si grave qu’on n’est pas pu parler à ce moment. J'ai pensé qu’il n’y aurait pas mort d’homme en rentrant chez moi le soir même. Elle s’est amusée et puis elle a eu son comportement habituel qui a l’air de l’aider à passer à autre chose. A aller de l’avant. Ou au moins à oublier. Les déboires amoureux, je ne connais pas vraiment alors comment pourrais-je savoir quelle manière est saine pour oublier et laquelle ne l’est pas ? Oui, ça peut sembler simple et logique mais nous, habitants du Mystic Swan, sommes rarement l’un ou l’autre. Elle est grande alors je lui ai fait confiance en me disant qu’elle saurait bien mieux gérer son cœur brisé que moi. Elle n’a peut-être tout simplement pas besoin d’en parler, était la pensée qui m’est venue quand elle est partie avec l’homme que je lui ai pêchée. Au sens littéral vu que nous étions dans l’eau.

Maintenant, j’admets que j’ai été un peu conne. J’ai peut-être été naïve. Débutante. Surtout que je ne me suis pas vraiment inquiétée avant la première rumeur vu que je lui faisais confiance. J’aurais dû être bien moins négligente que cela. Ce maudit tableau des Gossips a commencé à parler d’elle et ça me saoule que ce soit ça qui m’est mise la puce à l’oreille. Le tableau ne donne pas vraiment d’avis, il énonce juste des faits puis pose des questions pour inciter notre pensée à prendre son sens. A ce poser des questions qui ne sont pas toujours les bonnes. Ou qui foutent simplement la merde. La première rumeur concernant mon amie qui est sortie m’a laissé des frissons dans le dos. Une prise de sang pour savoir si elle était enceinte. Encore une fois, je me suis dit qu’elle viendrait m’en parler si elle le voulait. Ce n’est peut-être pas un sujet qu’elle voulait qu’on la force à aborder. Ce n’est pas un sujet sur lequel on force quelqu’un à parler alors j’ai attendu et elle n’est jamais venue. Ca fait un peu misérable vu comme ça mais je ne peux pas la forcer là-dessus alors j’ai tout ignoré aussi. Si elle n’en parlait pas alors moi non plus. On a donc jamais parlé. Je ne vais pas me mentir, ça m’a blessée qu’elle ne vienne pas m’en parler. Peut-être n’étions-nous pas si amies que cela ? Puis la seconde rumeur est parue. Cette pauvre femme qui s’amuse à mettre ces mots n’épargne personne et l’histoire de Dara a l’air de la faire saliver. Enfin, plutôt son histoire avec le médecin et la dernière rumeur ne faisait qu’ajouter de l’huile sur le feu. J’ai lu sa connerie de rumeur le jour même de sa sortie, ça fait un mois et dix jours maintenant. Un putain de mois. Comment je le sais ? Je compte les jours attendant que Dara vienne me parler. Je suis son amie et j’estime être assez digne de confiance pour qu’on puisse me parler de son chagrin d’amour. Ou je suis égoïste car je veux vivre cette amitié emplie de complémentarité ?
Peu importe, elle ne va pas se cacher plus longtemps !

Ma décision est prise : j’ouvre cette putain de porte et je la confronte. Je sais qu’elle est fière et j’espère avec force que c’est la seule raison pour laquelle elle n’est pas venue me parler de tout ça. Elle doit si mal vivre cette nouvelle sur cet homme qu’elle aime ou a aimé ! Je veux être cette épaule sur laquelle elle peut pleurer. Je peux la ramasser à la petite cuillère si elle se laisse faire. J’ai cette force. Mais a-t-elle la force de me confier ses émotions ? Son chagrin ? Sa confiance… On va bien le voir, maintenant !

J’ouvre la porte de la chambre de mon amie devant laquelle j’ai fait les cents pas pendant dix minutes. Je crois que je n’ai jamais été aussi peu sûre de moi avant de faire quelque chose. Je suis déterminée mais je n’ai pas honte de dire que j’ai peur. Peur qu’elle ne me fasse pas confiance, peur que je prenne mon rôle trop tard. Le temps que je le prends c’est déjà, ça. Je referme la porte derrière moi et dans une lumière tamisée, je contemple la chambre qui s’offre à moi. Enfin la chambre… Comment dire ? Elle avait bien plus du champ de bataille ou d’une scène de crime que d’une chambre d’un luxueux hôtel. Un cadavre de lampe de chevet repose sur le sol. L’ampoule est complètement brisée en pleins de morceaux sur le sol et je suis bien heureuse de porter des talons hauts à plateforme. Je ne risque pas d’être en contact avec le verre. Vu l’odeur de renfermé planant dans la chambre, je suis sûre que ce bout de verre contient des maladies. Depuis combien de temps n’a-t-elle pas aéré, bordel ? Et puis qu’est-ce qui a bien pu se passer dans cette chambre ? On croirait être entrée dans un putain d’univers parallèle ! Et Dara ne bouge pas d’un pouce, elle ne fait rien pour remettre tout ça en état. Au contraire, je la trouve assise sur son lit avec une bouteille de whisky à ses côtés et en entendant les mots qu’elle me jette à la figure sans même se retourner, je me doute qu’elle n’est pas de super humeur. Visiblement j’arrive un peu tard. Mais pas trop, vu qu’il y a encore du papier peint au mur.

— Eh bien, je viens te voir et je n’ai même pas le droit à un mot gentil et un gros câlin !

Mon ton reflète l’ironie qui s’inscrit sur mon rictus moqueur aux lèvres. Son mauvais caractère me fait rire malgré la situation et je pense qu’elle a besoin d’un peu de bonne humeur au fond alors je ne vais pas me cacher. Puis, il faut avouer que je ne suis pas très douée pour réconforter les gens. L’écoute, je peux le faire et le reste, je l’improvise. La dernière fois que j’ai réconforté quelqu’un, c’était Perséphone et cela faisait maintenant un an. Depuis je ne me suis pas vraiment intéressée aux états d'âme des autres. J’ai bien d'autres choses à gérer. Notamment un Swan italien particulièrement… provocant. Je reprends tout juste du service.

Je m’avance doucement vers le lit. Je ne vais pas rester collée à la porte non plus, je ne suis plus sous les ordres de personne ici. Excepté Verascyel mais elle n’est pas là alors je n’ai pas d’ordre à recevoir, je peux faire mon propre choix. J’avance avec précaution. J’essaie d’éviter au maximum les cadavres de verres sur le sol et je ne me pose pas de questions non plus face aux gouttes de sang sur le sol. Quelqu’un a dû prendre cher mais je verrais qui plus tard. Ce n’est pas ma préoccupation principale pour le moment. Arrivée près du lit, je m’assois aux côtés de Dara sans demander de permission et je me tourne vers elle. Son visage est… vide. Cette femme qui est du genre complètement transparente d’habitude n’exprime plus aucune émotions. Les cache-t-elle ? Ou n’en a-t-elle tout simplement plus ?

— Tu me racontes ?

Demandai-je d’une voix douce.

Je n’ai rien précisé sur ce que je voulais qu’elle me raconte. Elle pouvait commencer par la première chose qui lui venait. J’affinerais mes recherches plus tard. Je poserai mes questions, si elle n’y a pas répondu entre temps, quand j’aurais l’impression qu’elle aura repris du poil de la bête. La voir comme ça me fait mal au cœur et redresse les remparts de mon cœur.
L’amour peut donc vraiment tout briser, même une des femmes les plus fortes que je connaisse.

(c) oxymort

Cut my life into pieces, this is my last resort

Dara & Merihem

◊ ◊ ◊

Je m'étais attendue à n'importe qui : un Shade venu me dire de vider ma chambre, Verascyel venue me virer, le Jewel à l'œil peut-être crevé venu se venger ou Francis venu terminer le boulot, mais non, c'était une main providentielle tendue à la demoiselle en détresse que j'étais.
Parce que oui, à un moment donné, mon égo de Princesse du MS devait pouvoir se la fermer pour réaliser l'évidence : je n'étais plus qu'une épave : j'avais maigri, pas qu'un peu, je voyais mes avant bras devenu presque rachitique et mon visage anguleux. J'avais des cernes plus creusées que le grand canyon, je ne me maquillais plus, je n'arrivais même plus à faire semblant.

Je savais que j'avais été stupide. Flor aurait été la pour m'aider, elle que j'avais tant méprisée et haï pour le seul crime d'être plus belle que moi ? A l'époque cela me paraissait être la pire chose qui puisse m'arriver, aujourd'hui, tout cela me paraissait tellement dérisoire.
Pourquoi ne lui avais-je rien dis ? Pour la paraître ? Et aux yeux de qui ? Les autres ou moi-même ? J'avais déjà la réponse à cette question : pour moi bien sur, je voulais me prouver que je n'avais pas besoin d'amour pour être heureuse, mais je me trompais, Francis m'avait montré que je n'avais pas seulement mon corps et ma belle gueule pour être quelqu'un d'attrayant et, à peine notre rupture signée, il se jetait sur quelqu'un d'autre et pas n'importe qui en plus : un mec ! Je ne le savais même pas attiré par les hommes ...

Mais au fond de qui me moquais-je ? Moi-même j'étais passée sur le ventre d'un paquet d'hommes et de femmes et je m'étais fais plaisir, je ne pouvais même pas lui en vouloir.
Everleigh le savait ...
Dara en revanche ...

Merihem se posait à mes côtés, je sentais plus sa présence que je ne le voyais, mes yeux étaient concentrés sur l'une des tâches écarlates sur le sol, je me concentrais tellement que je n'arrivais même pas à répondre à sa question. Lui raconter ? Lui raconter quoi ? Que l'autoproclamée plus belle fille du MS était en fait un vieux sac poubelle dont on pouvait se débarrasser comme on vide les ordures ?
Je ne répondais pas, pas tout de suite, pour l'instant je posais ma tète sur son épaule, le regard toujours dans le vague, cherchant par quoi commencer.

Et la, ce fut les vannes ...

— J'suis une meeerrddeee !!!

Voila ce qui avait : je n'étais personne. Mon visage se déformait en grimace, mes larmes coulaient le long de mes joues sans arriver à s'arrêter tandis que j'enfouissais mon visage dans son épaule et, stupidement, je me disais que si l'on me faisait la même chose, je serais dégoutée pour mon haut.

— Il a ... Il a *Reniflement* Il a ... Du ... S ... D'enculé !!!

Cela ne voulait rien dire, j'en étais consciente. Je restais silencieuse pendant quelques secondes qui me parurent une éternité, sanglotant bêtement comme une gamine qui venait d'apprendre que Justin Bieber était en couple, avant de tenter de reprendre mon souffle pour me détendre.

— Il m'a ... *Snif* Remplacé par ... *Snif* Bref ... Il a tourné la page sans problème ...

Mon regard se perdait à nouveau dans le vague.

— Je ne peux même pas lui en vouloir vu le nombre de partenaires que j'ai eu entre les cuisses ...

Je reniflais bruyamment, frottant mon nez avec la manche de mon peignoir. Je redressais la tète jouant avec mes doigts comme pour m'occuper l'esprit, bon sang, même ma manucure je n'en prenais plus soin ...

— Tu sais c'est quoi le plus dingue ? C'est que s'il m'a menti la dessus, alors au final, peut-être que je suis comme beaucoup me décrive : à part mon physique, je n'ai rien pour moi ...

Je soupirais un instant, concentrant mon regard vers le plancher et cessant de jouer avec mes mains.

— Je ne suis rien ...

(c) oxymort

Cut my life into pieces, this is my last resort

Merihem & Dara

◊ ◊ ◊

C’est moi qui ai demandé à Dara de me raconter. C’est moi qui me suis permise d’entrer dans son intimité, sa chambre, car je trouvais que les rumeurs à la chaîne ne pouvaient avoir aucun bons effets sur elle. J’ai toutefois laissé une ambiguïté. Je n’ai aucunement envie de la forcer à parler de ce dont elle n’est pas prête à aborder le sujet. J’aurai certes posé les questions mais si elle n’avait pas voulu commencer par ça, je l’aurais tout à fait compris. Elle est libre de choisir ce qu’elle veut dévoiler et de ce qu’elle veut garder pour elle. Je ne l’aurais jamais menacé si elle avait refusé de répondre. Bien que honnêtement, l’état de sa chambre est un indice en lui-même. Sa tête doit être un bordel comme le sol de cette chambre. La moquette est maculée de sang et de verre. Je me suis même demandée si elle s’était coupée en marchant. La souffrance physique a toujours été un bon moyen de faire l’impasse sur sa douleur psychologique. Malsain, certes mais fonctionnel. Toutefois, connaissant Dara, je ne suis pas sûre qu’elle aurait abîmé son beau corps pour une telle chose. Pas avec quelque chose qui pourrait laisser des cicatrices, au lieu de cela, elle était plutôt du genre à se laisser dépérir. A l'œil, je dirais qu’elle a dû perdre au moins cinq kilos et ce n’est peut-être que mon avis, mais elle était déjà parfaite avant. Maintenant elle paraît … cassable ?

Je sais que j’ai bien fait de venir. Cependant, je ne m’attendais pas à ce qu’elle fonde en larmes à ma question. J’ai pensé que Dara et sa fierté auraient essayé de noyer le poisson. De cacher la vérité aussi longtemps que possible pour sauver son honneur.Cela lui ressemble bien ! Ce qui lui ressemble moins par contre, c’est d’exploser en larmes alors que je n’ai rien dit directement. J’ai vraiment bien fait de venir et de faire le premier pas car je comprends assez rapidement qu’elle n’en peut simplement plus de se voiler la face. Suite à ma question, ça a dû être la première chose à laquelle elle a pensé pour exploser ainsi en sanglots. Sa tristesse l’obsède-t-elle au stade où elle ne peut plus faire belle figure ? Dara a toujours été très forte à ça et je ne peux qu’imaginer sa peine si cela en arrive à de telles fins. Je ne peux pas dire que je comprends, je ne sais pas ce que c’est. J’ai toujours évité le chagrin sous toutes ses formes. Je pars avant de m’attacher et avec le temps, je ne m’attache tout simplement plus. Comme une vieille habitude. Je ne dirai donc pas à Dara que je comprends, je n’ai pas ce culot. Je ne suis pas une menteuse. A la place, je la laisse saccager mon haut de marque avec ses larmes. Son maquillage a sûrement coulé mais j’essaie de ne pas y penser. Je la laisse simplement décharger sa peine sur mes épaules qui sont nouvelles à ce rôle. Un rôle qu’elles n’auraient pas peur de reprendre pour la blonde à mes côtés. Je passe une main dans ses cheveux et lui caresse sa longue chevelure pour lui rappeler que je suis là. Je ne dis pas un mot jusqu’à ce que je sois sûre qu’elle ait fini. Si j’en crois ma raison, c’est la première fois qu’elle parle de tout cela alors je ne vais pas l’arrêter.

Je l’écoute attentivement se débarrasser de tout ce qu’elle retient en elle. J’entends attentivement sa souffrance, ses mots me heurtent. Me blessent. Je ne pense pas la moitié de ce qu’elle dit mais je ne dit rien pour l’instant. Je la laisse me raconter à quel point Raphaël est un enculé, je la laisse l’insulter. Ce n’est peut-être pas la meilleure chose à faire mais si elle en a besoin, je ne suis personne pour la contredire. Bien que ce ne soit pas le plan le plus intelligent, je commence à être d’accord avec elle. Le Mystic Swan est peut-être fermé mais il y a toujours un moyen d’échapper aux rumeurs, de ne pas se faire choper. Raphaël est-il si con que ça ? A-t-il si peu de cœur qu’il n’en a rien à foutre du mal qu’il peut faire aux autres ? Je ne connais pas cet homme et je n’ai aucune envie de le connaître, surtout maintenant. Si je suis bien capable de ne pas finir sur le tableau des rumeurs alors que je me tape Venom à une fréquence très récurrente, il peut bien cacher sa queue lui aussi. Je ne veux rien savoir de cet homme qui a détruit mon amie, je ne veux rien à faire avec celui qui provoque ses larmes. Par contre, je suis bien déterminée à ne pas laisser Dara se minimiser pour un homme pareil. S’il n’est même pas capable de cacher sa queue ou de fermer une porte, qu’il aille se faire foutre. Ce n’est pas à mon amie de payer pour sa connerie.

J’attends sur la retenue que Dara ait fini de s’insulter. De se sous-estimer. De s’auto-flageller. J’attends avec une patience dont je ne pensais pas être capable. Je me sais patiente mais pas à ce stade. Je réalise des prouesses et bien que je sois fière de moi chacun des mots de Dara me laisse un poids dans le ventre. Elle n’est pas ce qu’elle croit être. Je ne la vois pas ainsi et elle ne devrait pas non plus se voir ainsi. Elle est bien plus qu’un simple corps. Elle n’est pas non plus une merde. Elle est bien plus demandée que l’autre connard aux milles médocs. Elle vaut bien plus que tout et lorsqu’elle finit son discours, c’est la première chose que je veux lui faire remarquer.

— Tu n’es pas une merde, Dara !

Je commence en relevant son menton de mon haut saccagé pour pouvoir la regarder dans les yeux.

— Tu n’es pas non plus qu’un corps. Tu es un esprit fort, une femme rayonnante de bonne humeur. Tu as d’innombrables qualités et si cet homme n’a pas su les reconnaître alors c’est un sombre idiot. Ne dis pas que tu n’es rien, ce n’est pas vrai. Tu es pleins de choses, mais tu n’es certainement pas rien !

Je perds mes yeux dans les siens avant de faire un état des lieu de tout son visage. Elle fait peur à voir et je note quelque part dans ma tête de penser à lui offrir un mascara waterproof. Elle en a sûrement mais il va falloir penser à le mettre sincèrement. Je ne jette pas de coups d'œil à mon haut, à quoi bon regarder un tel désastre ? Je ne dois me focaliser que sur elle.

Je lui caresse la joue du pouce comme une mère le ferait à sa fille. Comme ma mère a pu me le faire des milliers de fois avant sa mort. Je le fais pour la réconforter, je le fais pour essuyer ses larmes, je le fais pour essayer de nettoyer ses traces de mascara aussi. On ne se change pas quand on est perfectionniste, que voulez-vous !

— Tu as géré ta douleur à ta manière et il en fait de même, ça fait mal… Mais tu n’es pas seule, je suis là.

(c) oxymort

Cut my life into pieces, this is my last resort

Dara & Merihem

◊ ◊ ◊

Cela n'aurait jamais du arriver. Je ne supportais pas être comme ça. Etait-ce ainsi qu'avaient fini tous les mecs que j'avais éconduits au cours de ma vie ? Non, surement pas, parce qu'aucun ne m'avait jamais aimée, il voulait juste mon corps.
Je pensais Raphael différent, je le pensais réellement amoureux, au lieu de ça, non seulement il ne m'avait jamais parlé de sa bisexualité, mais en plus, mais en plus il avait couché avec ce petit encul ... Non, si ça tombe, c'était Francis l'enculé. Sale petit menteur qui m'a fait croire au grand amour, lui qui avait l'air si coincé, semblait écarté les fesses rapidement, quand ma chatte n'était pas la il taquinait les petites souris dansante ... Oui, c'est vulgaire, mais je suis arrivée à un point ou je n'en n'avais carrément plus rien à foutre !

— Si ... Je suis une merde ...

Je sanglotais encore, la peine me tranchant doucement, mais surement le cœur en deux, Pourquoi ? Qu'avais-je fais de mal à part réaliser que lui et moi n'étions pas compatible ? J'avais été parfaite, mais peut-être n'étais-je pas aussi bien que je ne le croyais ? Peut-être m'étais-je sous-estimer depuis le début ?

— Alors pourquoi il m'a laissée tomber ? Pourquoi il s'est jeté sur le premier venu ? Je ne savais même pas qu'il aimait les hommes ce connard !

Je ne m'en rendais pas encore compte, mais je reprenais un rien du poil de la bête, mais pas d'une manière fort positive : j'étais en colère, une colère noire et aveuglante qui ne faisait qu'empirer les choses.

Je me sentais en colère et la présence de Merihem me faisait tellement de bien, douce Flor, si gentille et agréable, elle était la pour moi quand tout le monde m'avait laissé tomber. Je sentais son pouce sur ma joue, mes yeux cherchaient les siens et dans mon esprit embrumé, une dangereuse conclusion se faisait.

— Toi, t'es pas comme lui ...

Ma main vint caresser sa joue à mon tour, je ne perdais pas une miette de ses grands yeux noisettes, des flashbacks de notre nuit de réconciliation se faisaient dans ma tète, ainsi que de la fameuse nuit dans cette boite-piscine et dans ma tète, tout se mélangeait, la colère, la tristesse, les médocs que je m'étais enfilé pour dormir et l'alcool qui avait coulé dans mon gosier pour faire passer le tout, tout ça pour que j'en arrive à une évidence dangereuse et totalement fausse, mais comme aurais-je pu le savoir ? Vu que je n'étais pas dans mon état normal ...
La réponse que je croyais juste était : Francis était un connard, Flor, non et Flor était la pour moi, personne d'autre.
Et si j'avais été jalouse lors de cette soirée qu'lle reparte avec un serveur et pas avec moi ? Et si je m'étais laissée raccompagné par ce black pour me faire sauter chez lui alors que ce n'était pas avec ce type que je voulais partir ?
Et si Flor était la seule clef de mon cœur ?

Alors, avant même que je réalise ce que j'étais en train de faire, je me penchais vers elle pour venir chercher ses lèvres ...

(c) oxymort

Cut my life into pieces, this is my last resort

Merihem & Dara

◊ ◊ ◊

S’il y a bien une chose à savoir sur Dara c’est qu’elle est têtue. J’ai beau lui dire qu’elle n’est pas une merde et que la comparaison est carrément mal choisi qu’elle continue. Du Dara tout craché et je savais bien que c’était ce qui allait arrivé quand je lui ai dit mot pour mot d’arrêter de se traiter ainsi. Bref, Dara n’écoute jamais la première fois alors elle me contredit à nouveau et à nouveau, je prends mon rôle à cœur et lui affirme le contraire. En espérant que ça rentre cette fois !

— Non tu n’es pas une merde ! Et peut-être que s’il se tourne maintenant vers les hommes c’est simplement parce qu’aucune femme ne t’arrive à la cheville. Elles font toutes pâles figure par rapport à toi !

Je ne sais pas vraiment si mon argument tient la route. Honnêtement, il semble ringard à première vue. Un truc bateau que dirait n’importe qui pour rassurer son amie mais la vérité c’est que j’en suis presque convaincue. Je n’ai jamais entendu parlé de Raphaël s’amourachant ou couchant avec des hommes. C’est la première fois. Alors peut-être qu’il cachait très bien ses affaires mais je ne veux pas croire que ce soit possible de tout cacher aussi longtemps. Rien ne peut rester secret plus de quelques mois au sein d’un hôtel comme le Mystic Swan. Et cela fait bien plus que “des mois” que nous sommes là, Dara, lui et moi. Nous aurions forcément su s’il avait eu une attirance pour les hommes. Je pouvais entendre qu’il ne fasse pas cela parce que les autres femmes n’étaient pas à la hauteur mais peut-être voulait-il simplement changer un peu ? Il n’est jamais trop tard pour découvrir de nouvelles choses. Wagner avait bien décidé de devenir un artiste à ses 40 ans passés alors Raphaël pouvait tout à fait redécouvrir sa sexualité. S’ouvrir à de nouvelles pratiques, à de nouveaux genres. Quand on sait à quel point la société était dure dans l’éducation des hommes, c’est même plutôt courageux de sa part d’accepter qu’il pouvait aussi aimer les hommes.
En tout cas, j’espère que mon argument fera mouche. Je veux que Dara y croie, qu’elle puisse faire la part des choses pour accepter que maintenant que Raphaël était parti, il fallait qu’elle l’accepte elle aussi. Et les actes du médecin était plutôt clair pour dire “Toi et moi c’est définitivement fini”. La façon dont cela a été dit n’est sûrement pas la plus gentille mais je n’oublie pas non plus que Dara à sa part de responsabilité dans le lot. Il s’est bien pointé un mois plutôt pour faire une prise de sang concernant une potentielle grossesse. Ca aussi, il fallait qu’on en parle tiens ! Mais quand elle serait un peu moins à fleur de peau sûrement.

Je me demande si elle a entendu mon argument et si cela l’a rassurée un minimum. Je n’en ai pas la moindre idée car elle ne dit rien toutefois je sens un changement dans sa position : elle s’est tourné pour me regarder. J’ai moi-même posé mes mains sur ses joues tout à l’heure pour qu’elle puisse me regarder mais elle était si chagrinée qu’elle ne semblait pas me voir. Elle avait les yeux plus vitreux, son regard était dirigé vers moi mais pas son attention. Maintenant, si et un frisson me parcourt m’indiquant un mauvais pressentiment. Qui se confirme lorsqu’elle ouvre la bouche. Tout s’ensuit à la fois lentement et vite. Je ne sais pas comment réagir, je ne sais pas vraiment ce qui lui ferait moins de mal, ni ce qui lui en ferait le plus. Une chose est sûre, je ne veux pas la blesser. Elle est déjà bien assez dévastée ainsi. Le temps de ma réflexion lui laisse le temps de poser sa main sur ma joue et de la caresser, puis de poser ses lèvres sur les miennes. Je lui offre ce petit baiser de réconfort dont elle a besoin. J’y réponds sans pour autant l’intensifier car je ne peux pas lui offrir ce terrier dans lequel elle veut se cacher pour oublier. Elle s’est déjà assez cachée de sa douleur comme ça. Ce ne serait pas bien de la laisser faire à nouveau malgré le fait que ses lèvres soit très agréable sur les miennes -comme elles l’ont toujours été-. Elle me rappelle pleins de beaux souvenirs que je suis heureuse de revivre, pourtant je sais que dans cette situation, ce n’est pas la solution.
Je m’écarte de Dara avec douceur pour qu’elle comprenne qu’elle ne me répugne pas. Je lui saisis aussi la main qu’elle a posé sur ma joue par le poignet et la pose dans mes deux mains. Je suis intérieurement désolée pour elle de devoir la ramener à la réalité. Je n’ai aucune idée de comment elle va s’exprimer après ce que je lui dirais. J’essaierai de mettre toute l’empathie dont je suis capable mais ce n’est pas vraiment mon fort alors j’espère juste que je serais assez forte pour me battre et rester debout si je provoque une tempête. Je me suis promis d’être là pour elle et je tiens toujours mes promesses.

— Non Dara, ce n’est pas la solution et tu le sais

je commence petit à petit en veillant bien à choisir chacun de mes mots.

— Tu recommences à essayer de te cacher de ta douleur et je suis presque sûre que ce n’est pas la bonne méthode. Tu dois panser tes blessures et pas te cacher derrière mille et un gigolos ou derrière moi. Je suis là pour t’aider à affronter la tempête, pas pour t’en cacher alors maintenant ma belle, tu vas apprendre à te relever petit à petit et à reprendre les armes car la vie n’est pas finie et elle a sûrement encore pleins d’épreuves pour toi. Tu n’es pas une faible, je le sais, alors ne reste pas le genou ployé !

(c) oxymort

Cut my life into pieces, this is my last resort

Dara & Merihem

◊ ◊ ◊

Vous avez déjà vécu cette impression ? Lorsqu'en pleine nuit, en plein cauchemar vous avez cette impression de chute qui vous réveille en une fois comme si votre souffle s'était arrêté et ne pouvais repartir qu'au moment ou vous ouvrez les yeux ?
C'était exactement ce que j'avais ressenti au moment ou les compliments de Merihem avaient touché mon cœur. Je ne dirais pas que cela m'avait guéri, pas aussi vite, mais il y avait un espoir, un peu comme quand l'on défibrille une personne en arrêt cardiaque et qu'un pic apparait sur le moniteur, était-ce le début de ma résurrection ?

Non pas encore ...

Pas avant une ultime erreur.
Comme toujours, la crainte d'affronter la souffrance, la peur de de voir faire face à cette rupture et comment aurais-je pu ? Je n'avais jamais été ainsi jetée de côté. C'était moi qui avait rompu et c'était moi qui devait faire face aux conséquences de cette rupture, Raphael, lui, avait définitivement tourné la page.
Bien sur, une part de moi savait que j'avais géré cela n'importe comment, mais l'être humain peut-être si mesquin que je refusais de reconnaître ma part de responsabilités, cela m'était intolérable. Peut-être avais-je besoin de le reconnaître pour aller mieux ou peut-être que cela achèverait tout ce qui restait de la Princesse du MS.

Merihem avait répondu au baiser et sur l'instant, j'avais véritablement la sensation que c'était ce que je voulais, comme une réponse ultime à ma souffrance, comme dans ces films romantiques idiots ou l'héroïne réalise enfin que le bellâtre n'est qu'un con et que son meilleur ami qui 'la toujours soutenue était, au final, l'amour de sa vie ...
Mais nous n'étions pas dans une comédie romantique, nous étions dans la vraie vie, froide, cruelle et impitoyable qui allait une fois de plus me fermer une porte au visage, si seulement mon égo pouvait accepter que cette porte avait besoin d'être fermée pour que j'avance.

Merihem avait fini par me retenir, m'empêcher d'aller plus loin. Ses lèvres étaient douces, agréables, c'était à la fois comme cette fameuse nuit avec Verascyel et en même temps différent, plus doux, moins sensuel.
J'écoutais les mots de Merihem patiemment, les comprenant en mon fort intérieur, mais alors qu'elle arrivait à sa conclusion mon regard se posait sur nos mains, un moment de honte profonde me fit monter les larmes aux yeux, car je comprenais ses mots, je savais qu'elle avait raison ...

Mais cette foutue Princesse du MS refusait de comprendre, satané petit égo qui m'avait autant montée sur un piédestal qu'il ne m'avait fait chuter ...

— Alors toi aussi tu ne me trouve pas assez bien ...

D'un geste rageur, je retirais mes mains des siennes.

— Sors d'ici !

Mon ton était haineux, incisif, tranchant comme une serpe, mais au fond celle que je tentais réellement de blesser c'était moi-même.
Un moment de lucidité me fit réaliser pourquoi et je m'en voulu tout de suite après, la tète enfoncée dans mes avant-bras, je poussais une supplique.

— Reste ...

Mes larmes se mêlaient maintenant à ma morve et mes reniflements, tandis que je me voyais en train de supplier celle que j'avais tant mépriser avant cette fameuse nuit. Pitoyable déchéance de l'autoproclamée plus belle femme du Mystic Swan. Personne n'aurait pu me voir ainsi, si vulnérable, pas même Raphael, pas même Verascyel.
Personne sauf cette femme.
Oui, elle était faite pour moi, oui elle était mon ame soeur, mais pas comme l'amour de ma vie ou une flamme jumelle.
Elle était juste la meilleure amie que je ne pourrai jamais avoir ...

Et je réalisais à cet instant précis que je pouvais me relever, que je pouvais faire le deuil de ma relation avec Francis, que je pouvais le perdre et m'en remettre.

Mais perdre Merihem signifiait la fin de tout, la lumière deviendrait obscurité, la vie deviendrait mort ...

(c) oxymort

Cut my life into pieces, this is my last resort

Merihem & Dara

◊ ◊ ◊

Vous le connaissez sûrement. Ce moment où les mots sont à peine sortis que l’on sait qu’ils vont avoir un impact dévastateur sur son destinataire. Je le savais lorsque j’ai prononcé ma tirade. J’ai veillé à bien choisir mes mots mais il y n’y avait pas de bonne façon pour dire ça alors je l’ai dit comme je le pensais le plus « en douceur ». Ironique de ma part tout de même. Je ne suis pas quelqu’un avec beaucoup de tact. Je suis froide, je suis professionnelle et je suis toujours excellente quand je m’emploie à quelque chose. J’y mets un point d’honneur. Par contre, je n’ai jamais été douce et le tact, je ne l’utilise que peu souvent. Une fois avec Perséphone, il y a un an. Et, des fois, avec certains Swans. Je n’excelle pas dedans. En réalité, ça ne m’importe jamais. Ce qui doit être dit est dit, peu importe les termes utilisés.
Toutefois, à ce moment précis, j’ai voulu faire attention au poids de mes mots. Visiblement, c’était un échec flagrant. Tout se passe vite une fois que Dara prend conscience de la légère remontrance que je lui ai faite. J’ai le temps d’apercevoir ses yeux s’embuer de larmes avant qu’elle tourne la tête. Dans un accès de rage palpable, elle retire ses mains des miennes. Le geste me touche plus que je ne le montre. Ce n’est pas à moi d’être révoltée et triste à ce moment. Je suis là en soutien et rien d’autre. Je comprends très vite qu’elle ne veut peut-être pas de mon soutien lorsqu’elle me hurle de sortir de cette scène de crime qu’est sa chambre. Je me pose le temps d’une seconde de savoir si elle me dit de partir par fierté ou pas. Au final, ça ne change rien, si elle ne veut pas de moi. Je ne vais pas la forcer alors je me lève.

— Très bien, je m’en vais.

Je fais à peine trois pas vers la sortie que sa voix s’élève à nouveau. Ce n’est qu’un souffle. Une supplique. Dara ne supplie jamais et bien que je le sache déjà, cela me confirme qu’elle est au bout du rouleau. Peut-être même au fond du gouffre. Je ne fais pas de réflexion, je n’émets pas un son. Je me contente de me retourner. De retourner à ses côtés, ce pour quoi j’étais là au départ.

Elle est en larmes dans ses bras, je l’entends renifler et redoubler de sanglots alors que je m’approche d’elle. Encore et encore. Elle me fait mal au cœur. Ce n’est pas de la pitié, je suis touchée que la personne qui m’est le plus proche ici soit dans un tel état. J’ai presque envie de frapper Raphaël pour cela mais on n’est pas au lycée et les adultes ne règlent pas leur problème. Je ne suis même pas sûre que cela soulagerait Dara. Tout ce que je peux faire et que je fais, c’est me rasseoir à côté d’elle. Passer le bras autour de ses épaules. Attirer sa tête sur mon épaule. Lui caresser les cheveux en chantant.
Chanter, c’est ce que je sais faire de mieux et bien que je ne sois plus une Swan, ma passion ne me quitte pas pour autant. Ma voix vaut des millions mais pour elle, c’est gratuit. Je ne sais toutefois pas ce qu’elle écoute lorsqu’elle est triste et je me vois mal lui chanter du Adèle. Loin de moi, l’idée d’empirer son état. Au lieu de ça, je préfère lui rappeler ce qu’elle a toujours été ici. Pas ce qu’elle a toujours voulu être, pas cette peste égocentrique que je longtemps detestée mais la femme que j’ai rencontré après. Une femme qui donne envie qu’on la respecte, un petit tiran au ongles longs et parfaitement manicurés. J'entame donc une version douce de « Cinderella’s dead » de EMELINE. Dara n’est pas une peste, c’est une femme avec ses défauts et ses complexes. Mais c’est aussi une coordinatrice admirable, une femme d’ambition et réaliste des milieux dans lesquels elle évolue. Je lui chante cette chanson jusqu’à la dernière parole en espérant qu’elle s’en imprègne, je lui rappelle qui elle est jusqu’à en perdre haleine en espérant atteindre l’endroit où sommeille toute sa détresse.

— Tu vas te relever, l’amour ne tue que dans les tragédies. Ici, c’est l’enfer.

Je fais un clin d’oeil, sûrement dans le vide. Je ne sais pas, je regarde face à moi en lui caressant doucement les cheveux. Ma petite phrase me fait sourire et j’espère qu’elle en sourit aussi. Cette phrase est tellement représentative de ma capacité à réconforter les autres : quasi inexistante. J’ai même tenté une touche d’humour en reprenant les mots de nos sous-fifres en traitant le Mystic Swan d’enfer. Peut-être n’est-elle pas d’humeur à rire. Peut-être n’ai-je fait que lui rappeler la réalité. J’espère ne pas avoir tout niqué à cause de mon manque d’habitude à rassurer les autres. Manquerait plus que ce soit moi qui la fasse pleurer, putain !

(c) oxymort

Cut my life into pieces, this is my last resort

Dara & Merihem

◊ ◊ ◊

Dara, la Princesse du MS, autoproclamée plus belle femme du complexe faisait peine à voir en cet instant et j'en avais conscience, mais cette douleur était tellement puissante, qu'en comparaison le coup de couteau reçu qui m'avait valu ma promotion et cette légère cicatrice dans les abdos faisait pâle figure.
J'étais en train de détruire tout mon égo, m'enfonçant dans l'humiliation et la honte de moi-même à cause de ma rupture et le pire étant que, malgré les mots de Merihem j'avais totalement conscience que celle qui avait mal agit dans notre relation c'était moi : c'était moi qui avait enchainé les plans d'un soir, c'était moi qui avait essayé de punir Francis pour une rupture dont j'étais moi-même responsable, vu que c'était moi, encore, qui avait estimé que nous n'étions pas compatibles, mais c'était ainsi : le mariage, les mioches, le gros chien dans le salon c'était pas pour moi. J'aimais la fête, le sexe, l'alcool et m'éclater, le genre de soirée à laquelle Merihem et moi avions participé la dernière fois n'aurait pas été possible dans une relation "classique" avec Francis.

Heureusement Merihem n'avait pas mal pris mon petit coup d'état. La Dara d'il y a quelques temps encore me regarderait avec dédain, je pouvais presque l'entendre me dire "pfft déjà que tu te mets dans cet état pour un mec, mais en plus tu fais copine-copine avec cette meuf que tu détestais il n'y a pas si longtemps que ça, tu es pitoyable Everleigh Huntington".
En temps normal, entendre mon autre moi m'insulter me mettrais dans un état de rage et mon égo prendrait le dessus, comme une sorte de seconde moi, un genre de schizophrénie : la Dara malheureuse sauvée par la Princesse au fond d'elle, mais nous n'étions pas dans un film de David Fincher, il n'y avait que moi dans ma tète et j'avais juste envie de me dissoudre dans un bain d'acide, d'abord pour ne plus ressentir cette douleur due à la rupture, ensuite pour effacer cette honte que je ressentais 'avoir essayé d'embrasser Merihem ... Qui embrassait toujours aussi bien au passage ...

Un petit sourire passait sur mes lèvres à sa remarque sur les tragédies. Ca se voulait drôle, ce ne l'était pas forcément, mais cela me faisait du bien. Non Merihem n'était pas ma solution amoureuse, mais elle était ma véritable amie, probablement la seule au sein de ses murs, même la toute puissante Verascyel n'avait pas essayé de discuter avec moi, se contentant de me menacer d'une rétrogradation, Merihem, elle, avait un million de choses à faire et elle était la à me serrer contre moi, malgré que je l'avais traitée comme de la merde avant les émeutes, malgré que j'avais tenté d'en faire mon pansement pour me soigner de ma rupture et malgré que, après qu'elle m'ait jetée avec le plus de tact possible, je l'ai envoyée chier.
Oui, Everleigh Huntington était une pourriture, mais en cet instant, je prenais la décision de me relever et de devenir meilleure.

Sans mot dire, je me dégageais des bras de mon amie avec douceur et me relevais, les cheveux tombant sur mon visage, le septum souillé par la morves, mes joues trempées de larmes salées, les lèvres tremblantes et les poings serrés.

— Tu as raison !

Ma voix avait été tremblante et incertaine, mais mes mots étaient sincères et durs dans ma tète comme marqués au fer rouge dans mon cerveau. Non, Everleigh "Dara" Huntington ne ploierai pas genou devant l'adversité ou la souffrance. D'un revers rageux du bras je frottais les différents liquide poisseux qui maculaient mon visage et tournait vers Flor un regard empreint d'une détermination que je ne me reconnaissais pas moi-même.

— J'ai fais assez de conneries comme ça, il faut que je redevienne moi-même ...

Je tendais une main à mon amie pour l'aider à se relever avec un sourire chaleureux. Merihem, douce Flor Velasquez qui ne m'avait jamais abandonnée malgré l'horrible être humain que j'avais été avec elle.
Mes mains vinrent chercher les siennes comme une amoureuse en train d'annoncer à son homme qu'elle était enceinte, ce qui, je l'espérais, ne risquait pas de m'arriver.

— Ca va prendre du temps, mais je vais me remettre et ça c'est grace à toi ...

Mon regard planté dans le sien, je savais que je faisais peine à voir : des résidus de morve et de larmes sur le visage, les yeux gonflés d'avoir pleurés, les mains un peu tremblant et mon corps devenu amaigri à cause de ma rupture, mais je savais qu'elle pouvait lire ma détermination.

— Merci ... Et pardon ...

Silencieusement, je la serrais dans mes bras, elle avait été géniale avec moi et moi ? Aurais-je été seulement capable de l'aider à se remettre d'une rupture difficile ou de n'importe quelle perte ?

— Et désolé pour ton chemisier, je te dirais bien que je le nettoierai moi-même, mais la Princesse du MS ne s'abaisserais pas à une tâche que n'importe quel Shade peut faire à sa place ...

Petite plaisanterie bien sûr, bien que réaliste, je ne le ferai pas moi-même, mais je voulais lui montrer que, même si c'était peut-être juste des mots, j'avais bien l'intention de ne pas céder et de me battre pour me relever.

(c) oxymort

Cut my life into pieces, this is my last resort

Merihem & Dara

◊ ◊ ◊

J’ai à peine le temps de caresser deux-trois fois les cheveux de Dara après ma remarque qu’elle s’extirpe comme une tornade de mon réconfort. Dieu, faites qu’elle ne se remette pas à pleurer. Mes prières sont entendues car c’est bien tout le contraire qui se passe. Elle se relève, peut-être pas très sûre d’elle mais sans hésitation sur ce qui lui reste à faire.
Sa voix est mal assurée la première fois qu’elle s’exprime. Toutefois, je n’ai pas le temps de réagir qu’elle prend ma main et me relève. Elle va pas me virer, là ?! Je connais assez bien mon amie pour savoir qu’il y a des moment pour elle où elle peut se confier et d’autres ou non. Question de fierté, je n’en doute pas une seconde. Toutefois, je ne compte pas partir avant que le fond du problème soit réglé, on va dire. Enfin dans les grosses lignes toujours. Je ne peux pas me remettre d’une rupture que je n’ai pas vécu et que je ne vivrai pas. Moi, en couple ? Plutôt crever. Bref, ce n'est pas le sujet. Je l’ai prévenu que je ne partirai pas le temps que je n’étais pas sûre que ça irait pour elle. Fini les conneries. Je reste donc interdite, je campe sur mes positions avec méfiance en attendant qu’elle continue et c’est bien ce qu’elle fait. D’ailleurs, je n’ai même plus le temps d’en placer une. Elle care les épaules et reprend son grand rôle de femme forte et… mature ? J’ai rarement vu Dara avouer ses torts et c’est peut-être pour ça qu’un sourire niais apparaît sur mes lèvres.

Je n’ai jamais considéré Dara comme mon âme sœur, après tout il y a tout un pan de notre vie où elle ne pouvait pas me voir et je n’avais pas spécialement envie de la fréquenter non plus. Avec un tel passif, nous ne sommes très clairement pas des âmes sœurs.
Je ne l’ai jamais vu comme ma flamme jumelle non plus. Nous n’avons pas le même caractère. Nous ne sommes pas fait dans le même bois et je ne suis pas sûre que nous ayons les mêmes valeurs. Nous en avons des communes mais nous ne sommes pas “jumelles de caractère”. Puis, depuis que nous nous entendons, nous n’avons jamais été du genre à nous brûler l’une et l’autre. Pour un acte, une parole. Je n’ai pas l’impression que nous sommes toxiques.
J’ai toujours pensé que nous étions de bonnes amies, bien que je savais qu’il y avait plus derrière tout ça. Aujourd’hui, alors que Dara souffre et se relève à sa manière, je suis fière d’elle comme une… grande sœur. Certes, nous avons pu avoir des relations que des sœurs ne partagent pas, pourtant je n’y fais pas attention car c’est bien ainsi que je la considère. Plus âgée qu’elle, je ne prétends pas être plus expérimentée dans la vie, ni la comprendre mieux qu’elle. Cependant, j’ai ressenti ce besoin d’aller lui parler alors que j’étais sûre que ça n’allait pas. Je l’ai senti, je l’ai su inconsciemment. Comme une grande sœur l’aurait senti et su. J’ai aussi su d’une certaine manière qu’elle se relèverait, qu’elle ferait face à l’adversité parce qu’elle est comme ça. Trop fière, peut-être mais surtout très forte. Bien qu’elle ne ressemble à rien en ce moment même. Des couches de maquillage éparpillées sur son visage comme pour un costume d’Halloween. Épouvantable. Ça aussi, ça me fait sourire et légèrement ricaner aussi.

Je resplendis de fierté et j’en oublie presque de l’écouter. Bien que je me reprenne très vite en entendant le mot “toi”. Elle me parle ? Qu’est-ce qu’elle a dit ? Merde… Comme si la réponse se trouvait sur les murs, je regarde à gauche et à droite mais Dara ne s’en soucie visiblement pas car cela ne l’empêche pas de continuer. Elle ne me parle pas visiblement et pourtant si, cette fois, elle me remercie. Puis elle s’excuse et je fronce les sourcils. Pense-t-elle sérieusement qu’elle m’a dérangé ? Alors qu’elle me prends dans ses bras, je lui réponds :

— Ne t’excuse pas, tu aurais sûrement fait pareil pour moi.

En réalité, je n’en suis pas sûre à 100% mais mon instinct me le dit alors je décide de le croire. De toute façon, je n’ai pas prévu de me mettre dans ce genre de situation. Les sentiments, l’amour et sa faiblesse : très peu pour moi.
Elle m’éloigne de mes pensées en s’excusant à nouveau et cette fois, je ne peux pas lui dire de ne pas s’excuser. Je me suis légèrement moquée d’elle plutôt mais son maquillage ne s’est pas contenté de ses joues. Je la déteste. Comme des soeurs peuvent se détester affectueusement de temps en temps. Réalisant qu’elle est encore dans mes bras, je m’empare de ses épaules pour l’écarter de mon chemisier, déjà mort. Putain… Sans réfléchir, je l’enlève alors que je lance à Evie :

— J’vais clairement pas sortir comme ça, passe-moi un de tes chemisiers. Moi aussi j’ai une réput’ à tenir.

Mon chemisier passé au-dessus de moi et complètement enlevé, je tends le bras dans l’attente d’un substitut convenable. Non mais et puis quoi encore. Elle a vraiment pensé que j’allais sortir ainsi dans le complexe ?

(c) oxymort

Cut my life into pieces, this is my last resort

Dara & Merihem

◊ ◊ ◊

Evidemment, je n'allais pas m'en tirer comme ça, loin s'en faut, mais le chemisier qui tirait la gueule dans sa main me sembait réclamer réparation, prêt à me gifler d'un gant de cuir pour me provoquer en duel.
Je dois dire que si on m'avait fait une telle chose, je le prendrai très mal, sauf pour elle Merihem ... Cette ancienne rivale que j'avais appris à apprécier.
Peut-être que cela aurait marché entre nous ? Non, la question ne se posait même pas, nous étions à la fois trop similaires, à la fois trop différente et les sentiments qui nous animaient l'une envers l'autre était d'une autre nature.

Aurais-je fais pareil pour elle ? Surement, mais certainement pas aussi bien : je n'avais rien d'une pédagogue, preuve en était : Merihem était hautement plus exigente avec les Swans que je l'étais avec les Jewels, mais fait est que les Swans l'appréciaient de ce que j'en savais, la ou la plupart des Jewels m'auraient bien crevé les yeux.
A commencer par celui qui était à l'infirmerie en cet instant avec un éclat d'ampoule entre son oeil et son orbite probablement soigné par Francis en cet instant précis.

Je souriais et enjambais les débris de lampe sur le sol avant d'ouvrir mon armoire et de m'emparer d'un vieux t-shirt informe avec la gueule de Garfield tout sourire et de le tendre à Merihem.
Devant sa désapprobation, je soupirais d'une manière théâtrale et totalement exagérée.

— Diva !

La traitais-je en souriant, d'un sourire mi-sincère, mi-fatigué. Dans ma tète je revoyais déjà tout le combat que j'allais devoir mener, à commencer par reprendre le sport et manger correctement, j'étais devenue un vrai squelette ou pas loin de l'être et mon maquillage me faisait ressembler à un véritable monstre ... Ou un membre du groupe "Kiss"
Je lui tendais un chemisier blanc, j'en avais un sacré paquet, un de plus ou de moins ne changerait pas grand chose.

— Cadeau ...

Je la regardais s'en aller, non sans un signe de tète, signifiant que l'entrevue était terminée, que je la remerciais et que je lui promettais d'arrêter mes conneries, bref tout ce que j'avais dis quelques instants plus tôt.
Mon regard rencontrait celui d'une femme de trente ans, épuisée, les yeux d'un raton laveur, les lèvres tirées vers le bas, les cheveux en bataille et les vêtements en loque, l'envie de pleurer me fit gonfler la gorge, mais je retins, c'était hors de question.
Au lieu que l'eau coule de mes yeux, elle coulait de la douche, cette nuit la je dormirais dans le t-shirt informe que j'avais tendu à Merihem pour rigoler, une façon de me sentir merdique une dernière fois, avant qu'il ne regagne mon armoire définitivement, avant de m'endormir, je me promis que plus jamais je ne me laisserais abattre ainsi, puis je fermais les yeux.

Même les morts ne dorment pas aussi bien ...

(c) oxymort